6 février 1975…
Elle pousse son premier cri
Et voit le jour pour la première fois…
Elle ne sait pas encore ce que sera sa vie, mais elle est là
Les années passent et déjà elle est différente à leurs yeux
Jamais attirée par les poupées, elle, c’est le ballon, les trucs boueux
Elle porte des pantalons, trainent avec les garçons et saute dans les arbres
Et puis à huit ans, tout bascule sans qu’ils le sachent
C’est le début et la fin, du combat et de l’innocence
Le moment où tout se joue peut être dans l’inconscient
Mais saurons-nous jamais le pourquoi du comment ?
Non, nous ne saurons pas, c’est tellement évident…
Alors elle se construit sur du sable mouvant, marchant déjà contre le vent
Et au fond rien n’a changé, mais tout est différent
Et comme ils ne peuvent pas faire sans, quand même… et bien ils font avec
Mais auraient tant aimé qu’à la naissance, ce soit un petit mec…
Les années passent et elle se cherche, sans se trouver
Elle croit trouver l’amour, puis a le cœur brisé
Très vite elle se plonge dans l’écriture et les poèmes
Toujours mettre des mots au service de sa peine
Ses parents trouvent ça con… les rimes à quoi ça sert ?
Et puis toutes ces larmes, qui remplissent les rivières…
Elle s’isole, se referme, ne vit que pour elle-même
En attendant qu’un jour, peut être, on l’aime
Mais que sait elle de l’amour, finalement, il y en a si peu sous son toit
C’est tout un tas de choses qui fait que chez eux c’est comme ça
Un père absent parce qu’il travaille… peut on le lui reprocher ?
Un homme qui n’est pas fait pour avoir des enfants mais qui a essayé
Y a un paquet de valeurs qui sont pourtant inculquées
Des milliers de choses à retenir, à jeter, à trier
Des principes qui l’aideront dans la vie, sans nul doute
Mais toujours ce manque d’amour tout au long de sa route
Sur ces bases instables, elle découvre son penchant pour les filles
Ni étonnée, ni apeurée et ignorante encore, aussi…
Reste à l’annoncer à ceux qui l’ont voulue
Puis à l’assumer au gré des gens et des rues
Si ça ne semble pas lui poser problème, il en est tout autre pour ses parents
Qui la rejettent et la laisse partir vers d’autres continents
La blessure ne réussira jamais à se refermer vraiment
Mais qu’a-t-elle comme choix que d’aller de l’avant ?
Quand enfin ils se retrouvent rien n’a évolué
Le sujet reste tabou, on évite d’en parler
L’amour ne rime toujours pas avec des mots ou des gestes
On refile quelques billets, juste pour noyer le reste
Mais l’amour ne s’achète pas et ils ne l’ont pas compris
Et entre ces gens là, le gouffre s’agrandit
Par habitude, par respect, par connerie peut être
Rien ne se dit jamais et son cœur le regrette
Elle réalise très vite qu’ils ne changeront jamais
Que pour la paix de cette famille, elle devra s’y plier
Alors, par bêtise, faiblesse ou manque de courage,
Elle s’y plie et laisse faire ce satané langage
Le papier monnaie devient leur seul échange
Quant à l’amour il se perd dans de tristes louanges
En effet elle fait l’erreur, sans doute, de travailler avec eux
Pour enfin plaire à son père, maintenant qu’il devient vieux
Elle gère, elle dirige, elle maîtrise, elle excelle
Mais voilà elle est et restera lesbienne
Ca fait tache, ça les gêne, « ça le fait pas » pour la clientèle
Et le « qu’en dira-t-on » et la robe blanche dont ils rêvaient pour elle ?
Ils auraient tant aimé qu’elle soit comme d’autres, ailleurs
La savoir mariée à un homme ingénieur
Il en fut tout autre, puisqu’elle épousa une femme
Dont elle divorça d’ailleurs pour accroître le drame
A croire qu’elle n’est pas capable elle-même de construire un foyer
Pas à même d’écouter, d’entendre ou d’aimer
D’échec en échec, les bras retombent, restent ballant
Sa confiance se perd… le constat est affligeant…
Un père, une mère qui n’ont pas la fille dont ils ont rêvé
Une enfant qui n’a pas les parents qu’elle voudrait
Une vie gâchée à passer à côté des choses essentielles
Et jamais d’encouragement et jamais de je t’aime
Alors à 37 ans elle se demande si elle peut encore rêver
Si le bonheur pourra dans ses quartiers s’installer
La réponse est non, les jours où ses yeux sont traversés par la pluie,
Mais si le soleil s’en va, il revient toujours… c’est ainsi…